Un nombre sans précédent de médecins et d’autres agents de santé infectés par le virus Ebola
Évaluation de la situation – 25 août 2014
À bien des égards, la flambée de maladie à virus Ebola qui touche actuellement l’Afrique de l’Ouest est sans précédent, en particulier parce qu’une forte proportion de médecins, d’infirmiers, d’infirmières et d’autres agents de santé ont été infectés.

À ce jour, plus de 240 agents de santé sont tombés malades en Guinée, au Libéria, au Nigéria et en Sierra Leone, et plus de 120 sont décédés.

En Sierra Leone et au Libéria, le virus Ebola a tué des médecins de premier plan, privant ces pays non seulement de soignants expérimentés et dévoués mais aussi de héros nationaux dont on aurait eu envie de suivre l’exemple.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la forte proportion de personnes infectées parmi le personnel médical: la pénurie ou la mauvaise utilisation des équipements de protection personnelle, la faiblesse des effectifs de personnel médical compte tenu de l’ampleur de la flambée et la compassion qui pousse le personnel médical à travailler dans les services d’isolement beaucoup plus longtemps qu’il n’est recommandé pour leur sécurité.

Dans le passé, certaines flambées de maladie à virus Ebola sont devenues visibles seulement après l’amplification de la transmission dans un établissement de soins et après que des médecins, des infirmiers et des infirmières sont tombés malades. Cependant, une fois que le virus Ebola avait été identifié et que des mesures de protection appropriées avaient été mises en place, le nombre de cas parmi le personnel médical avait baissé de façon spectaculaire.

En outre, un grand nombre de flambées à virus Ebola parmi les plus récentes sont survenues dans des zones isolées, dans une région d’Afrique où l’on connaît mieux la maladie et où les chaînes de transmission étaient plus faciles à suivre et à briser.

La flambée actuelle est différente. Les capitales sont touchées tout autant que les zones rurales, ce qui accroît considérablement la probabilité de contact du personnel hospitalier avec des cas non diagnostiqués. Ni les médecins ni le grand public ne sont familiarisés avec la maladie. Les villages et les villes sont en proie à une peur intense.

Les premiers symptômes de plusieurs maladies infectieuses endémiques dans la région, comme le paludisme, la fièvre typhoïde et la fièvre de Lassa, sont similaires à ceux de la maladie à virus Ebola. Les patients qui présentent ces maladies auront souvent besoin de soins d’urgence. Les médecins et le personnel infirmier ne verront alors peut-être aucune raison de suspecter une maladie à virus Ebola ou de prendre des mesures pour se protéger.

On a décrit des cas où un médecin non protégé a contracté l’infection lorsqu’il s’est précipité pour venir en aide à un patient visiblement très malade. C’est le premier instinct de la plupart des médecins, des infirmiers et des infirmières: aider ceux qui souffrent.

Dans bien des cas, le personnel médical court des risques car il n’y a pas d’équipement de protection à disposition – pas même des gants ou des masques. Même dans les services où sont traités exclusivement des malades d’Ebola, les équipements de protection personnelle souvent manquent ou ne sont pas correctement utilisés.

Il est absolument essentiel d’apprendre au personnel comment les utiliser correctement et d’appliquer strictement les procédures de prévention et de lutte contre les infections.

En outre, les équipements de protection personnelle tiennent chaud et sont inconfortables, d’autant plus dans un climat tropical, ce qui limite énormément le temps que les médecins et les infirmiers et infirmières peuvent passer dans un service d’isolement. Certains médecins vont au-delà de ce qui est physiquement possible et tentent de sauver des vies 12 heures par jour, 7 jours sur 7. Épuisés, ils ont davantage tendance à commettre des erreurs.

Tous les équipements de protection personnelle distribués ou approuvés par l’OMS répondent aux normes internationales de sécurité appropriées.

Le lourd tribut payé par les agents de santé à cause de cette flambée a plusieurs conséquences qui entravent davantage les efforts de lutte.

Les pays sont privés d’un de leurs atouts les plus précieux pour lutter contre la flambée. L’OMS estime que, dans les trois pays les plus touchés, seul un médecin sur deux est disponible pour traiter 100 000 personnes, et ces médecins sont surtout présents dans les zones urbaines.

Cette situation peut entraîner la fermeture d’établissements de santé, notamment quand le personnel refuse de venir travailler car il craint pour sa vie. Lorsque les hôpitaux ferment, les autres besoins médicaux courants et urgents, tels que les accouchements et le traitement du paludisme, sont négligés.

Le fait que de nombreux agents de santé soient tombés malades accroît le niveau d’anxiété: si les médecins, les infirmiers et les infirmières sont infectés, que va-t-il arriver au reste de la population? Dans certaines régions, les hôpitaux sont considérés comme des incubateurs de l’infection et les patients, quel que soit leur problème de santé, les évite, ce qui réduit encore l’accès aux soins.

La perte de tant de médecins empêche l’OMS d’assurer un soutien de la part d’un nombre de suffisant de médecins et d’autres agents de santé étrangers.

L’Union africaine a lancé une initiative en vue de recruter d’urgence davantage d’agents de santé parmi ses membres.